
Chapitre 1.
Pétée de vide, anéantie d'échecs, tenue droite et chignon coiffé impeccablement, je fixais le néant. De mes mains couvertes d'un gants de velours, je sortie mes papiers d'identités. « Laureen Blake ». Une jeune femme d'une vingtaine d'années tout au plus, parsemée de frissons engourdissant, sur le devant d'un qui de gare, à attendre. Voilà, celle que j'étais devenue. On me tint le bras, au croisé d'un poteau de béton. C'était un homme vulgairement vêtu, au ventre bedonnant et au rires débordant de chaleur. De ses yeux pétillants, il signala ma valise, restée à quelques pas.
- Demoiselle, puis-je connaître votre destination ? Avec un si petit bagage et des habits de ville, vous êtes sans doute une femme des bureaux. Serait-ce un transport de routine ?
Jugeant sa politesse bien excentrique, je lui souriais simplement. Mais qu'avaient-donc tout ces hommes las de me courtiser. D'un signe de tête, je lui fis observer les affichages de train retardés de quelques dizaines de minutes et demandais à mon tour :
- Et vous, qu'attendez-vous ?
L'homme mûr sourit à mon visage fin et rétorqua avec aplomb :
- Et qui me force à vous répondre ? C'est une belle et grande dame que j'attends là. Elle est petite par la taille mais habile de son esprit, si joliment dessinée que vous ne pourriez l'ignorer. D'ailleurs, la voici-ci. Je me retire. Faites-donc bonne route.
- Pareillement, soulignai-je happée par le visage rond de la jeune femme qui s'approchait telle une gazelle, sur les clous métalliques des quais. Serait-ce de votre fille dont vous parlez ? Finissais-je par comprendre.
Mais l'homme s'en était déjà allé au bras de son enfant, tout sourire, débordant de gentillesse. Une vois résonna dans le haut parleur central, celui qui se trouvait au-dessus de ma chevelure blonde. Le message de la SNCF était toujours aussi limpide, toujours aussi clairement exprimer. Que de politesses pour justifier tant de débordements, pensais-je en vain. Après quelques secondes de contemplations, je décidais de m'asseoir près des sièges coulés dans le sol bétonné. Je me préparais en vain, à cette nouvelle identité. Répondre à ce nouveau défi avait été un choix spontané. C'était la psychologue qui m'avait fourni l'idée, et quelques contacts rémunérés qui m'avaient offert cette opportunité. Je n'avais rien osé laissé au hasard. De ma coupe, à mes vêtements, passant plus de temps sur les sites de mode que dans les rues, j'avais reconstruis ma véritable personnalité, sous un jour tout à fait différent. Je ne répondrais plus jamais au nom de Célia, mais à celui de Loreen. Tut, tut, tut. Fit le sifflet d'un agent de gare. Il était l'heure de prendre le départ. Je saisis ma valise d'une main souple, gravis les deux hautes marches d'escaliers de métal et parcouru les longues allées bordées de sièges confortables. Je m'installais en deuxième classe, sortie mon ordinateur portable et débutais mon enquête. D'une main distraite, je posais mon billet accompagné de ma carte d'identité sur la table moucheté et fixais l'écran s'allumer. La webcam avait été bouché par mes soins et le réseau brouillé de façon à ce que nul policier ne puisse jamais me retrouver. Et le train se mit en route, d'abord lentement, puis plus rapidement. Lorsqu'il eût atteins sa vitesse de croisière, je respirais enfin. La France n'était plus qu'un mauvais souvenir. Un passé horrible et honteux. Une histoire sur laquelle j'avais définitivement tiré un trait. Aujourd'hui jeune femme de vingt-trois ans, quémandait le bonheur à la vie et ne saurait jamais s'en priver. Je tapotais quelques lignes, machinale, sur le clavier tactile de mon ordinateur. Lorsqu'il passa en veille, suite à de nombreuses rêveries, je pus admirer mon reflet maquillé, tiré à la perfection. J'étais devenue mon propre héro. Une femme s'installa en face, déballa quelques-unes de ses affaires, installant ses pulls en appui-tête, comme j'avais l'habitude de le faire par le passé. Je n'osais pas lui sourire, de peur d'entamer une longue et ennuyeuse conversation. Pourtant, elle prit les devant.
- Voici un long voyage qui nous attends. Connaissez-vous Amsterdam ?
Décontractée, je lui offris l'un de mes plus beaux sourires et tentais sommairement de lui retourner sa question.
- Et vous, pourquoi aimez-vous cette si belle région ?
- Oh...Fit-elle étonnée. Et bien, commençons par l'architecture. Avez-vous déjà remarqué comme les bâtiments sont raffinés ?
Et malgré mes efforts d'évitements, le dialogue venait d'être lancé, tristement incontournable. Ce ne fût qu'après une heure et quart d'idées échangées que le contrôleur bien charmant, vint me sauver de cette discussion sans fin. Avec calme, il contrôla nos titres et je m'éclipsais ensuite aux cabinets.
- Veuillez m'excuser, dis-je à ma voisine toujours aussi intéressée de cet échange.
La femme que j'avais découvert guide touristique semblait tout savoir de la culture et du pays dans lequel je devrais fonder ma nouvelle vie. Précisément, ce n'était pas un lieu que j'admirais. Et étrangement, mes motivations n'avaient jamais été clair à ce sujet. Tel un cri du c½ur, un élan de passion, j'avais décidé de tout plaquer pour un lieu que je ne connaissais même pas. Ni langue, ni culture, ni même coutumes et habitudes propre au Pays bas. Je ne savais rien de ce lieu. Mais ne tarderait pas à le découvrir. Je fixais mon visage dans le miroir propre de toilettes. Personne n'aurait jamais soupçonné que j'étais bel et bien la fugitive française, ex-taularde, relâchée pour bonne conduite. Et le passé ne me collerait pas à la peau. Sagement, je revins m'installer en face de ma voisine, désormais plus loquace sur les sujets qu'elle avait omis d'aborder. Il y avait également les grands musés que je devrais visiter. Et les belles demeures des quartiers chics. Le fameux port dont la splendide chanson parlait et...Enfin, nous arrivâmes à quai. Je tendis une main chaleureuse à la guide et replaçait mon chapeau sur une tête bien coiffée. Après quelques pas, je parvins à trouver un taxi qui me mènerait à l'hôtel le plus proche. Mes économies étaient pour partie passées dans mon trajet et bien que mon séjour en milieu carcéral est pu enrichir mes revenus, je n'étais pas certaine de pouvoir perdurer des mois sans emplois, dans cette ville que je ne connaissais pas. Mais avais-je le choix ? On me déposa à l'hôtel de plus proche. Je réservais une chambre, payant d'avance la somme que l'on exigeait pour cette minuscule piaule où je ne dormirais pas plus de deux ou trois nuits. Lorsque je m'installais, je sortie de ma valise quelques documents et effets personnels, que je plaçais sur la commode en bois. Pas moins d'une dizaine de CV et de lettres de motivations se trouvaient fermées dans des enveloppes en papiers. Là, je m'assis sur le lit confortable et étendis mes bras sur l'arrière. Mon téléphone sonna. Je répondis sauvagement :
- Oui, j'écoute ?
- C'est Matthew. Es-tu bien arrivée ?
- Tout semble fonctionner.
- Tu as rendez-vous demain matin au café Jiny, c'est un bar situé à quelques pas de la gare. Je t'y attendrais pour dix heures.
Sans prendre le temps de répondre, je raccrochais. Une douche chaude m'attendait et à dire vrai, je n'en avais pas souvent eu l'occasion ces derniers-temps. Je passais ma tête dans l'encadrement de porte et observais les serviettes blanches, propres, et les quelques savons emballés dans des papiers plastiques. Cela faisait bien des années que l'on ne m'avait pas fait un pareil accueil. Prestement, je me faufilais dans l'antre de la douche, prenant soin d'ôter le peu de bijoux que je possédais. Il y avait quelques colliers de lacets qui s'enchevêtraient les uns aux autres, généralement dissimulés sous de gros pull de laine tressées mains. Et aussi, une bague ou deux, dont j'avais tardivement fait l'acquisition, histoire de sembler plus présentable aux yeux des gens. À mon bras droit, je portais une gourmette en or, que j'avais réussi à préserver durant six années pleines de carcéral. Dessus, mon véritable prénom y était gravé. Et si cela représentait un risque au quotidien, je n'étais pas prête à m'en séparer. J'allumais l'eau chaude, observant les quelques cicatrices laissées sur mon corps. Ce n'était que des marques banales de rixes subies lors des dernières années calvaires de prison. Ils se battaient mes semblables. Ils s'étaient souvent battus pour un peu de pain, un peu d'eau ou quelques sous à m'envier. Car je n'avais jamais fais une seule vague, derrière les verrous. Condamnée jeune, condamnée dans le vide de preuves, pour seule justice un témoignage niais et pour seule preuve, ma présence sur les lieux du crime. Mais je n'étais qu'une pauvre accusée à tord prise dans les rouages d'un système bien trop pénible à décrire. Et le meurtrier, courrait toujours en vie, sous la pluie qui s'abattait en France, à ce moment-là. Je frissonnais au souvenirs de son visage pâle, et maigre, aux images imprégnées de son rire sournois, lorsque sous les vents gelés, il avait tiré. L'eau perlait sur mon corps avec toujours plus de force. Et je me laissais envahir par la chaleur de cet instant. Lorsque maman criait que je ne sortais plus du bain. Lorsque mon frère louait la salle de bain. Ce n'était que de vagues lointains souvenirs désormais. Et j'étais la seule capable de les oublier. Je savonnais mon corps à la hâte, n'ayant de cesse de couper l'eau pour écouter les bruits de la ville voisine. Des klaxons. Des cris. Une foule de gens intrépides qui sans doute se hâtaient aux achats de Noël. Et si quelqu'un pénétrait dans ma chambre, l'aurais-je entendue ? Angoissée, je sortie de la salle d'eau, serviette attachée à ma taille. Tendue, je parcouru la chambre rapidement et ajoutais un tour de clef à la porte déjà bouclée. Figée sur le pas de la porte, j'observais. Ma valise. La commode et mes papiers. Rien n'avait bougé.
Au dehors, la nuit était tombée. L'heure qu'affichait mon portable était désormais celle de dormir et de laisser les ennuis aux placards. Stupide, lorsque l'on pensait aux dangers qu'une telle vie me forçait à surmonter. Désormais vêtue d'un t-shirt large et d'un short sexy, je m'allongeais sur le lit et fixais le plafond. Et qu'aurai-je pu dire à mes parents pour le septième Noël en mon absence ? Que j'étais navrée, stupidement désolée de m'être trouvée présente au mauvais endroit, au mauvais moment. Non, je n'étais pas de ces femmes à regretter le temps passé. Le temps qui jamais ne me reviendrait était bel et bien mort, et enterré. Tout comme cet enfant, assassiné ce soir-ci, pour quelques instants de folie d'un homme bien alcoolisé. Hagarde, je passais quelques longues heures à remettre en question mon existence. Après quoi, je m'endormis, happée par la fatigue naissante, celle qui découlait d'un trop long voyage. Mais la nuit si calme ne me paru pas de tout repos. Ce ne furent qu'un amas de démons animés qui vinrent sans cesse frôler ma peau. La cataclysme de ma vie ne me laisseraient -t-ils jamais respirer ? Soupirais-je en ouvrant des paupières alourdies de sommeil.
- Nous sommes le 23 décembre. Lisais-je à voix basse, en consultant l'écran de mon téléphone. Et il est cinq heures quarante cinq. Je n'ai pas dormis de la nuit....Qu'est-ce qui te ferais plaisir ?
Je me redressais dans le silence le plus total. Peut-être que je devais m'habiller, enfiler une tenue propre pour la journée, de celle que j'avais pris le soin d'acheter avant mon exil. Ou bien, fallait-il que je m'offre un petit déjeuné, comme toutes ces personnes dites civilisées, de celles qui n'ont jamais compris le cheminement d'une vie bafouée. Indécise, je décidais de ne rien en faire, restant lasse, allongée dans un lit douillet, bien trop moelleux à mon goût. Dans mon portable, je n'avais rien emporté non plus. J'avais acquis par habitude les bonnes démarches de rejets d'appels sur tout les numéros susceptibles de me joindre. Et pour cela, encore aurait-il fallu qu'ils trouvent ma ligne. Ne dit on pas que l'on est jamais trop prudent ? Mon frère était sans doute de ceux à joindre dans la nuit noire le premier copain venu, la première amie rencontrée...Nostalgique, je cherchais les quelques rares photos que j'avais osé conserver de ma vie antérieure. On y trouvait mes parents, les sourires de trois enfants unis, avec au centre, la traîtresse née. Celle qui osera défier l'honneur familial au profit de la vérité. Car nul ne doute que c'est ce que j'avais fais. Impatiente, je me levais et ouvris la fenêtre. L'air froid gifla mon visage et je pus enfin respirer. C'était un air frais et pur, un vent de liberté qui titillait mes narines. Un bonheur précieux trop souvent oublié. Et c'est ainsi, que l'heure tourna. Contemplative face au jour qui se levait, je ne m'aperçus pas de ce temps si vache, qui m'avait rattrapé trop rapidement.
tenace1995, Posté le vendredi 27 janvier 2017 03:52
brad-fer a écrit : " "
merci :)